Pénurie de syndics : un danger pour les copropriétés !

Il y a longtemps que les écoles spécialisées dans la formation des futurs professionnels de l’immobilier sont confrontées à ce problème : les jeunes ou les moins jeunes qui choisissent ce secteur d’activités sont bien rares à se destiner au métier de syndic de copropriété. En moyenne constante depuis des années, les quelques établissements qui se partagent la mission de façonner les talents pour l’aménagement, la promotion, ma transaction, la gestion n’enregistrent guère plus de 5% de leurs diplômés qui veulent devenir gestionnaires d’immeubles collectifs. Les mauvaises années, l’étiage est à 2% d’une promotion de bachelor (bac+3) ou de mastère (bac+5). Dans l’enseignement public, les universités ne font pas mieux : les licences professionnelles ou les cycle master ne parviennent pas davantage à faire lever des vocations de syndic.

Diagnostic et proposition de remèdes.

On entend d’abord que le métier est tellement difficile qu’il rebute les candidats à son exercice. Trop de servitudes, horaires avec les conseils syndicaux et les assemblées générales tardives, trop de pression, trop de tensions, trop d’agressivité des copropriétaires. Il est clair que les discours de la profession elle-même sur elle-même accréditent cette analyse: on aurait bien du mal à trouver des verbatims de responsables immobiliers présentant ce métier comme agréable. La communauté professionnelle ne succombe-t-elle pas à la tentation de ne montrer que la face sombre du métier ? Tous les grands métiers ont des servitudes et les plus prestigieux, qui arrivent en tête de l’estime de l’opinion, ont les plus lourdes servitudes: croit-on qu’être médecin, infirmier, pilote de chasse, pompier (c’est là le florilège des professions les plus appréciées des Français) n’emporte pas pour conséquence de travailler sans compter ses heures, son énergie, d’être disponible, de ne pouvoir donner à sa vie personnelle le même temps que les autres ? Ce sont les enjeux qui font les métiers en haut de l’affiche, la noblesse des enjeux. Gérer une copropriété, ce n’est pas gérer un immeuble mais le lien entre l’immeuble et ceux qui s’en partagent la propriété. C’est être alchimiste. C’est favoriser l’ajustement des intérêts particuliers pour que l’intérêt collectif finisse par primer. C’est une fonction politique.

Le syndic est en outre une femme ou un homme de pouvoir au bon sens du terme. A-t-on souvent entendu cette définition, pourtant conforme à la réalité ? Aux termes de la loi du 10 juillet 1965, il est l’exécutif du syndicat des copropriétaires, qui détient le pouvoir législatif. Il est en fait bien plus qu’un bras armé. Il a devoir de conseil constamment confirmé par la jurisprudence et à l’heure de la rénovation énergétique il doit se muter en ingénieur financier et en ensemblier technique sans qui les objectifs de la future loi Climat Résilience ne seront jamais atteints dans le parc collectif de nos villes. L’État ne le mesure sûrement pas assez.

Il est urgent également de changer l’apparence du métier, qui fleure son administratif et son papier à plein nez: les syndics sont désormais digitaux. Le confinement a démontré que la profession, sans bruit, savait passer au numérique pour l’essentiel de ses missions. Y a-t-il a eu rupture dans la chaine de gestion de nos immeubles ? Non, à aucun moment. Oui, ils peuvent encore gagner en performances digitales: il n’est que de regarder les extranets des copropriétés et les sites des cabinets pour comprendre la marge de progrès… Le syndic, autrefois secret sinon autiste, a appris à communiquer, à partager, à faire savoir ce qu’il fait. Les plus jeunes y sont probablement plus enclins que les autres, mais il reste beaucoup de chemin à accomplir en effet. On doit néanmoins voir celui qui a été accompli. Il place ce métier à un bon niveau entre tous les métiers de l’immobilier.

On entend aussi que ce métier n’est pas lucratif. Là encore, les messages de la profession sont dangereux à force de manquer de précision. Oui, la profitabilité de l’activité de syndic est trop faible et sans l’apport de la gestion locative dans la plupart des cabinets l’équilibre économique serait fragile. Cela dit, la profitabilité est réduite certes parce que les honoraires sont trop bas en général, mais aussi parce que les charges de masse salariales sont incompressiblement élevées: les collaborateurs gestionnaires sont en moyenne bien rétribués, sinon très bien eu égard à leur rareté sur le marché et au niveau nécessaire de leurs compétences. Pour gérer des copropriétés, il faut des collaborateurs bien formés, aux savoirs et aux savour-faire polymorphes, juridiques, techniques, économiques, psychologiques, effectivement capables de journées longues, et ils doivent être bien rétribués. En somme, en sortie de diplomation comme par la suite, les gestionnaires de copropriété gagnent bien leur vie. Leurs perspectives sont claires: la sécurité de l’emploi à vie tant les besoins sont considérables et croissants, des promotions.

Elles peuvent prendre plusieurs formes: le management d’autres gestionnaires, sachant que d’emblée un gestionnaire fonctionne en liaison avec une assistante ou un assistant et avec un comptable et que la dimension managériale est indissociable de sa fonction, mais aussi la possibilité de gérer des immeubles plus complexes ou plus importants, et d’ailleurs de voir son portefeuille allégé dans ce cas pour permettre une plus grande attention à des situations plus exigeantes. On sait également que le métier de syndic conduit à la direction de cabinets plus que les autres métiers: par sa complétude, il prépare parfaitement à la pluridisciplinarité demandée à un patron et aux qualités attendues de calme et de solidité nerveuse. Cela non plus, on ne le dit pas à ceux qui pensent à cette profession: ils entrent véritablement dans un parcours.

Il se vérifie même que les gestionnaires de copropriété restent dans le métier et y font carrière. Leur attachement à leur métier est sans doute l’un des plus forts entre tous les métiers de l’immobilier. C’est bien une preuve de plus que les vertus l’emportent sur les pesanteurs. Pourtant, à ce stade, les cabinets doivent progresser dans leur gestion des ressources humaines, encore archaïque ou insuffisamment moderne, fût-ce au sein des grandes enseignes et des groupes nationaux. Plusieurs problèmes. Les talents qui méritent progression ne sont pas assez détectés et valorisés, poussant des gestionnaires à changer d’entreprise. Les copropriétés se plaignent de ce turn over. On confie volontiers aux moins expérimentés des immeubles délicats à gérer, au risque de les écœurer, ou des portefeuilles trop lourds en nombres d’immeubles. À cet égard, on ne peut passer sous silence un embarras majeur, la croissance externe effrénée des cabinets, notamment les leaders: ils rachètent des cabinets de taille moyenne, rationalisent leur gestion et peuvent être conduits à alourdir les portefeuilles de gestionnaires encore juniors, en courant le risque de les gâcher. Plusieurs l’ont réalisé et s’efforcent d’éviter cet écueil, contrepartie dangereuse de leur dynamisme dans le développement. Enfin, le soutien et la formation psychologiques sont souvent absents, alors qu’on sait que ces collaborateurs sont dans la gestion de crise et des tensions quasi-permanente. On le présente comme un défaut de la profession, quand c’est consubstantiel de la fonction, et qu’il faut par conséquent s’équiper pour le traiter et le dépasser.

Source Capital: Écrit par Henry Buzy-Cazaux

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